mardi 28 mars 2017

Format et supports en jeu de rôle

Avertissement : Cet article propose une réflexion autour du format et des supports en jeu de rôle. Je prends un parti-pris différent de celui qui est communément admis en critiquant le format "livre" du jeu de rôle. Mon but en prenant ce point de vue n'est pas de remettre en question ceux qui font ce choix. Mon but est de montrer que choisir un support gagne à être le résultat d'une réflexion concrète, plutôt qu'un choix par défaut. Cet article traduit un état et non pas un aboutissement de ma réflexion ; mon point de vue évoluera probablement à l'avenir.

Cet article a été inspiré par une discussion lancée par Iblitz sur le forum des Courants Alternatifs.

Vous pouvez consulter cet article au format PDF pour un meilleur confort de lecture. Vous pouvez également recevoir les prochains articles par e-mail. Mon blog ayant une faible visibilité (et je reconnais que j'écris pour être lu !), n'hésitez pas à partager l'article si vous avez apprécié son contenu.

Table des matières

Qu'est-ce qu'un format et un support ?

Au départ, le jeu de rôle, et les jeux en général, sont des oeuvres de l'esprit. L'auteur crée un jeu tout comme l'artiste conçoit une musique, une peinture ou un livre. Cette oeuvre n'existe au départ que dans la tête de l'auteur. Pour que ce jeu existe aux yeux des autres, aux yeux du public, aux yeux des joueurs, l'auteur doit ensuite inscrire cette oeuvre de l'esprit sur un support, ce qui la rend manipulable. Le support, c'est la manière dont l'auteur rend manipulable, utilisable l'oeuvre qu'il a créée. Le format, ce sont les dimensions, la forme donnée à ce support. C'est le support et son format qui transforment l'oeuvre en produit, un produit qu'on peut diffuser, qu'on peut transmettre et commercialiser.

Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales propose les définitions suivantes :

  • Support : Matériau, milieu matériel sur lequel est appliqué quelque chose. (source)
  • Format : Dimensions, forme d'un objet quelconque (source)
En jeu de rôle, traditionnellement, le support de l'oeuvre est un livre, et le format est un format A4 (21 x 29,7 cm).

Rapport à l'oeuvre dans le jeu de rôle

L'auteur de jeu de rôle considère à juste titre sa création comme une oeuvre culturelle. Il en a une image précise et il souhaite que les utilisateurs de l'oeuvre l'utilisent de manière conforme, de la manière qu'il a prévue pour le jeu. Le support "livre" traduit finalement cette volonté artistique de l'auteur : le texte permet d'expliquer, de détailler la méthode d'utilisation de l'oeuvre.

De leur côté, les joueurs achètent un produit - le jeu de rôle - dans le but de s'en servir pour créer une partie de jeu de rôle. Ils exploitent les supports du produit qu'ils ont acheté (par exemple, le livre) pour créer leur propre oeuvre. La partie de jeu de rôle, en tant que représentation théâtrale et contée, qu'elle soit scénarisée ou improvisée, est également une oeuvre culturelle. Il peut alors y avoir contradiction, dichotomie entre l'oeuvre "jeu de rôle" créée par l'auteur et l'oeuvre "partie de jeu de rôle" créée par les joueurs.

Lorsqu'on crée un jeu de rôle, quelle fonction donne-t-on aux supports et à leur format ? Les supports ont-ils pour objectif de transcrire l'oeuvre de l'auteur, ou bien leur rôle est-il de faciliter l'émergence de l'oeuvre des joueurs ?

Si l'on reprend l'exemple du livre, le livre est probablement le meilleur moyen pour transcrire l'oeuvre de l'auteur, car il lui permet de détailler, sous forme littéraire, ses attentes sur la manière d'utiliser son oeuvre. En revanche, il n'est peut-être pas le meilleur moyen pour faire émerger l'oeuvre des joueurs. Lorsque l'on compare le jeu de rôle avec le jeu de société, la différence entre les deux types de jeux est flagrante : Dans le jeu de société, les supports sont fonctionnels, ils servent à encadrer et à faciliter le jeu des joueurs. Dans le jeu de rôle, les supports sont non fonctionnels : le support "livre" ne sert pas à jouer, c'est son contenu, de manière totalement dématérialisée, qui sert à créer la partie. En jeu de rôle, la plupart des supports physiques nécessaires au jeu ne sont même pas fournis avec le jeu : Fiches de personnage à photocopier, dés et écran de MJ à acheter séparément, voire scénarios à construire ou à développer...

L'auteur de jeu de rôle utilise le support "livre" pour mieux développer, expliciter son oeuvre. Or, c'est ce même support, dont l'utilisation est dématérialisée, qui oblige les joueurs à prendre de la distance par rapport à l'oeuvre originelle, pour créer leur propre oeuvre culturelle pendant la partie.

Sur un plan personnel, je reste humble par rapport à mes créations. Bien que je considère mes jeux comme des oeuvres culturelles, je place cette considération au second plan de mes contraintes créatives. Mes jeux sont avant tout des produits destinés à favoriser l'émergence de l'oeuvre culturelle créée par les joueurs lors de la partie de jeu de rôle. Je m'efforce de proposer des supports de jeu fonctionnels pour favoriser la création de cette oeuvre culturelle, dans le paradigme proposé par le jeu.

Impact des limites techniques sur le support

Une oeuvre culturelle est limitée par son support dès lors qu'elle cherche un moyen de se diffuser, c'est à dire de se dupliquer à plusieurs exemplaires. C'est cette limite du support, cette matérialisation de l'oeuvre, qui transforme une oeuvre en produit et lui permet d'être fabriquée à plusieurs dizaines, centaines ou milliers d'exemplaires. Un jeu de rôle dématérialisé (format PDF) n'échappe pas à cette règle, puisqu'il a également un support (le document PDF) et un format (souvent, le format A4).

Le choix de privilégier le support "livre" à un autre type de support répond également à cette contrainte de transformer l'oeuvre en produit pour permettre sa diffusion :

  • Un livre est peu coûteux à produire
  • Un livre est peu coûteux à envoyer par la poste ou à transporter
  • Un livre peut se vendre en version dématérialisée
  • Un livre est assujetti à un taux de TVA de 5,5% (au lieu de 20% pour un jeu de société)
  • Un créateur de livre a le statut légal d'auteur, ce qui n'est pas le cas d'un créateur de jeu de société, par exemple
Le choix d'un auteur de privilégier un support plutôt qu'un autre peut venir, de manière inconsciente, de ces limitations techniques. Afin de faciliter la transformation de notre oeuvre en produit, nous acceptons de limiter notre créativité pour faire correspondre notre jeu à un support traditionnel. Inconsciemment, nous nous interdisons d'envisager d'autres solutions parce que nous savons que cela compliquerait, voire bloquerait l'aboutissement de notre démarche créative.

Limites du support "Livre" en jeu de rôle

Le support "livre" présente beaucoup d'avantages : facilité pour l'auteur d'expliciter la méthodologie d'utilisation de son oeuvre, simplification de la transformation de l'oeuvre en produit commercialisable... sans oublier la force de l'habitude : utiliser un support connu permet aux auteurs d'obtenir un résultat de qualité tout en gagnant du temps dans la création de l'oeuvre.

Cependant, favoriser le support "livre" implique un certain nombre de limites.

Temps d'apprentissage

Les support "livre" n'est pas fonctionnel dans le sens où il n'est pas directement utilisable lors de la partie. Il impose aux joueurs un temps d'apprentissage long : les joueurs - ou au moins l'un d'eux, le MJ - doivent lire le livre puis en extraire les informations utiles à la création de la partie. Il semble difficile de proposer des jeux clés-en-main, comme peuvent l'être les jeux de société, avec seulement un support "livre". Même des jeux simples et voulus clé-en-main, comme les jeux du Grümph (Dragon de poche, Nanochrome...), nécessitent un temps de lecture et d'apprentissage de l'ordre de plusieurs heures.

En choisissant systématiquement le support "livre", le jeu de rôle devient élitiste et il se coupe du grand public. Il s'adresse uniquement à la catégorie de population qui accepte un temps d'apprentissage et de préparation de partie long, voire plus long que la partie elle-même. Cet élitisme est souvent assumé ("le jeu de rôle se mérite"), et c'est un argument recevable. A titre personnel, j'ai envie que le jeu de rôle soit plus accessible. Pour cette raison, je travaille beaucoup sur la création de jeux clés-en-main et faciles d'accès. Pour cette raison, je me détache du support "livre" pour essayer de trouver d'autres solutions inspirées du jeu de société.

Standardisation des jeux

Le support "livre", par sa facilité de mise en place (voir le paragraphe "Impact des limites techniques sur le support"), génère une standardisation des jeux. Quasiment tous les jeux ont un format et un aspect "livre". Malgré la richesse propre au jeu de rôle, ne pas explorer d'autres formats, d'autres supports, empêche probablement l'émergence d'autres manières de jouer au jeu de rôle. On peut penser à des jeux intégralement clés-en-main, à des jeux plus courts, à des jeux hybrides mêlant jeu de rôle et jeu vidéo, ou jeu de rôle et jeu de société.

Prenons l'exemple du jeu "S'échapper des Faubourgs" de Thomas Munier, dont la Rose des Vents structure la partie. Cette structure se fait au détriment d'une certaine liberté d'action des joueurs, mais permet d'explorer une thématique et une ambiance fortes. Elle permet l'émergence d'une nouvelle manière de jouer au jeu de rôle.

Prenons également l'exemple du jeu "Les lames du Cardinal", dans lequel un jeu de cartes spécifique remplace les jets de dés. Ce support de jeu particulier permet de proposer une nouvelle manière de gérer les combats, en instaurant de la tactique au sein même de la fiction.

Problème des règles induites

Le support "Livre" n'est pas un support de jeu dans le sens où il n'est pas utilisé en tant que support pour jouer pendant la partie. Il s'agit d'un recueil d'informations utiles à la partie, informations que les joueurs (et notamment le MJ) sont tenus d'extraire du support, pour les réinjecter ensuite dans le cadre qu'ils ont créé pour leur partie de jeu de rôle. Cette action de dématérialisation du support "livre" est une étape supplémentaire de mise en place du jeu. Cette étape n'est pas forcément expliquée aux joueurs dans le livre.

Dans un jeu de société, les règles sont là pour expliquer comment utiliser les différents supports de jeu : plateau, cartes à jouer, jets de dés... L'interprétation est minime et la lecture des règles permet de comprendre le fonctionnement du jeu en moins d'une heure. Dans un jeu de rôle, expliquer en détails comment créer une partie est extrêmement complexe. Bien souvent, l'auteur considère comme "allant de soi" un certain nombre de règles, par exemple, le rôle du MJ pendant la partie, ou bien l'existence d'un contrat social qui détermine comment se comporter pendant la partie.

Toutes ces règles nécessitent en réalité un apprentissage, un apprentissage transmis de manière indirecte et parfois inconsciente, par cooptation : un joueur plus expérimenté, souvent le MJ, forme des joueurs inexpérimentés au jeu de rôle en leur expliquant comment se comporter, ce qu'ils ont le droit ou non de faire.

L'existence de ces règles induites est liée à la complexité d'un jeu de rôle. Elle est entretenue par le support livre et par l'extrême richesse des informations contenues dans un tel support. Ces règles induites entretiennent l'élitisme du jeu de rôle car elles imposent un apprentissage par cooptation : il est très difficile à un groupe de joueurs totalement novices, d'apprendre à jouer au jeu de rôle sans quelqu'un d'expérimenté pour les guider.

Des supports de jeu plus en connexion avec la partie de jeu de rôle, guideraient probablement mieux les joueurs dans la prise en main des règles du jeu. Cela se ferait probablement au détriment de la richesse de contenu proposée par le livre de jeu de rôle. Cela ne se ferait en revanche pas forcément au détriment de la richesse de la partie jouée par les joueurs. Pour mieux encadrer et enrichir l'oeuvre culturelle créée par les joueurs pendant la partie, il faudrait alors envisager d'appauvrir l'oeuvre culturelle créée par l'auteur.

Adéquation entre oeuvre et format

Le format d'un jeu de rôle est sensé s'adapter à l'usage qui en est fait. Ce qui revient à dire que pour choisir le format et les supports de son jeu de rôle, il faut d'abord définir quel jeu de rôle on va créer : Un jeu clé-en-main (prêt à jouer), une boîte à outils destinée au MJ (système de règles générique assorti ou non d'un cadre de jeu), un cadre de jeu complet (univers fictif présenté de manière encyclopédique)...

Un jeu clé-en-main privilégiera la jouabilité : le jeu est facilement transportable (format de poche), rapide à lire (quantité de contenu textuel réduite), les illustrations sont secondaires et le jeu est donc en noir et blanc. C'est le cas par exemple de Dragon de poche ou Nanochrome (Le Grümph). Un jeu clé-en-main peut également proposer des supports de jeu hérités du jeu de société (par exemple : Zombie Cinéma d'Eero Tuovinien), ainsi que des fiches de personnages clés-en-main, pré-imprimées au format "fiche".

Une boîte à outils destinée au MJ pourra proposer un système de fiches cartonnées thématiques au format A5, avec des règles du jeu modulaires, utilisables séparément ou combinables en fonction des besoins du MJ pendant la partie. On peut également envisager un système de cartes à jouer combinables.

Un jeu de rôle à univers encyclopédique très détaillé privilégiera probablement un support "livre" classique, meilleur moyen pour intégrer un grand nombre d'informations dans un jeu de rôle.

Ce qui serait critiquable dans le choix du support, ce ne serait donc pas tant l'adéquation entre le support "livre" et l'univers encyclopédique, mais plutôt de proposer uniquement ce type de jeu de rôle au détriment d'autres types de jeux (comme les jeux clé-en-main). La question se poserait alors du "pourquoi" : Plus grande facilité de mise en oeuvre ? Coûts réduits ? La force de l'habitude ? Meilleure correspondance entre l'oeuvre et les attentes des consommateurs ? Probablement un peu de toutes ces raisons.

Le jeu de rôle, objet de collection

Les joueurs de jeu de rôle ont vieilli, trouvé un boulot, fondé une famille, et leur pouvoir d'achat a augmenté proportionnellement à la diminution de leur temps libre. Les techniques d'impression se sont améliorées, les coûts d'impression ont diminué. L'offre en jeu de rôle s'est accrue, augmentant la concurrence entre les éditeurs. Peu à peu, les standards de qualité non plus seulement des jeux, mais aussi de leurs supports physiques (le livre), ont été revus à la hausse. La couverture cartonnée, la reliure cousue, le format A4, les nombreuses illustrations en couleur, le maquettage graphique, autant d'éléments qui sont devenus des arguments commerciaux quasi-incontournables. Pour mettre en valeur un aussi beau support, il est devenu nécessaire de fournir une quantité de contenu conséquente de l'ordre de plusieurs centaines de pages. La taille et l'épaisseur du livre sont des arguments de poids (au sens propre comme au sens figuré) que le consommateur peut constater immédiatement et sans controverse possible.

Le bel objet est devenu un argument de vente et le jeu de rôle n'est plus désormais seulement un objet à jouer, c'est également un objet à lire, un objet de collection. La richesse et l'originalité de l'univers, la mise en images de cet univers sont devenus aussi importants que la capacité du jeu à générer des situations de jeu intéressantes et fonctionnelles.

Le développement du livre-objet signifie la mise en avant de l'oeuvre culturelle de l'auteur. Cette mise en avant de l'oeuvre "auteur" se fait-elle au détriment de la capacité du jeu à faciliter l'émergence de l'oeuvre "joueurs", de l'histoire créée et vécue par le groupe de joueurs pendant la partie ? Un livre-objet de collection peut-il également être un bon livre-manuel de jeu ? Les deux ne sont pas forcément contradictoires mais l'auteur gagne à se poser la question.

Conclusion

En conclusion, je dirai que je n'ai fait qu'effleurer un vaste sujet. A défaut de pouvoir faire une synthèse des questions de supports en jeu de rôle, je me suis contenté de dresser une liste de points qui m'ont particulièrement marqué ou fait réfléchir ces derniers mois. J'invite mes lecteurs à m'indiquer en commentaires des sources sur le sujet, ou leurs propres articles en réponse au mien. J'intègrerai en compléments de mon article les liens que je trouverai - à titre personnel - les plus pertinents.

samedi 11 février 2017

Jeu, culture et Divertissement

Le Divertissement est souvent perçu comme une activité amusante et innovante, alors que la Culture serait une activité ennuyeuse et formaliste. Cette distinction est-elle pertinente ? Le jeu est-il seulement un produit de divertissement ? La culture peut-elle être amusante ? Divertissement et culture sont-ils complémentaires ou entrent-ils forcément en compétition ? Je vais tenter de répondre à ces questions à travers l'exemple du jeu.

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Avertissement : Cet article n'est pas un article scientifique, malgré tout le soin que j'apporte à sa rédaction. Son seul objectif est de proposer des pistes de réflexion. Je vous invite à me faire part en commentaires des données qui pourraient corroborer ou infirmer mes hypothèses.

Table des matières

Définitions

Commençons comme à l'accoutumée par des définitions, afin que vous compreniez de quoi je parle dans la suite de l'article.

Divertissement

Selon Wikipedia : activité qui permet aux hommes d'occuper leur temps libre en s'amusant et de se détourner ainsi de leurs préoccupations. (source)

Selon le CNRTL : Action de se divertir, ensemble des choses qui distraient, occupent agréablement le temps. (source)

Selon le philosophe Pascal : Occupation, ensemble de données qui détourne l'Homme de l'essentiel et l'éloigne des problèmes propres à sa condition. (source)

Culture

Selon l'UNESCO : Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts, les lettres et les sciences, les modes de vie, les lois, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. (source)

Selon le CNRTL :

  • Fructification des dons naturels permettant à l'homme de s'élever au-dessus de sa condition initiale et d'accéder individuellement ou collectivement à un état supérieur
  • Ensemble des moyens mis en œuvre par l'homme pour augmenter ses connaissances, développer et améliorer les facultés de son esprit, notamment le jugement et le goût.
  • Travail assidu et méthodique (collectif ou individuel) qui tend à élever un être humain au-dessus de l'état de nature, à développer ses qualités, à pallier ses manques, à favoriser l'éclosion harmonieuse de sa personnalité.
(source)

Choc des définitions

Le divertissement est donc une activité qui sert à occuper le temps, à se vider l'esprit, qui détourne l'homme de ses préoccupations. Au contraire, la culture est une activité qui définit une appartenance sociale, qui comble un manque, qui permet de se réaliser et de s'améliorer par l'acquisition de compétences et de qualités.

Le divertissement est une activité par le vide, alors que la culture est une activité par l'ajout.

Différences entre culture et divertissement

Le divertissement est devenu un élément majeur de notre société. Il prend diverses formes : Télévision, jeux vidéos, jeux de société, réseaux sociaux, activités sportives... Les français passent en moyenne 3h45 par personne et par jour devant la télévision (source).

Le divertissement est populaire : il est omniprésent, il ne nécessite aucun effort, aucune compétence ni aucun apprentissage, il est souvent gratuit ou peu coûteux.

La Culture de son côté, est souvent considérée comme élitiste : elle est coûteuse, elle nécessite un effort, et bien souvent un apprentissage pour être appréciée à sa juste valeur.

Le divertissement a pour but de vider l'esprit alors que la culture a pour objectif de le remplir.

Dans la société de consommation qui est la nôtre, les entreprises l'ont bien compris : Le divertissement est moins coûteux à produire que la culture, beaucoup plus facile à vendre car plus universel. Il répond à un besoin immédiat peu exigeant qu'on satisfait donc en priorité lorsqu'est venu le moment de dépenser de l'argent.

Le divertissement détruit la culture

Notre système économique actuel est basé sur la compétivité. Il s'axe sur la satisfaction du grand nombre plutôt que sur l'enthousiasme d'une minorité, car la compétitivité passe par le volume de vente, par le nombre d'unités produites et vendues par l'entreprise. Un loisir de divertissement (par exemple : une émission de télé-réalité) sera toujours moins coûteux à produire, au prorata du nombre de spectateurs, qu'un reportage sur le patrimoine culturel. Cette recherche du grand nombre, ce lissage des attentes, permet l'augmentation des budgets publicitaires qui contribuent à leur tour à augmenter le volume de vente.

Lorsqu'un produit de divertissement utilise la publicité pour se donner une image de produit culturel, lorsque le neuromarketing (voir cette conférence) utilise les failles de notre cerveau pour nous influencer, pour nous modeler selon les attentes des grandes entreprises, il n'y a plus de place pour les véritables produits culturels, délaissés au profit de produits plus faciles, plus abordables, ou tout simplement plus disponibles sur le marché. La guerre de l'image et de la visibilité est lancée, et elle se fait l'écho d'une standardisation. Une standardisation dont les créateurs de contenu sont les grands perdants : un auteur de jeux de société touche en moyenne 3% du prix final du jeu, un auteur de romans 8 à 12%.

Le constat est : La création de contenus originaux et innovants n'a plus les moyens de se valoriser par rapport aux produits de divertissement plus standardisés : Absence de visibilité, coûts de développement supérieurs, noyautage du marché par une standardisation du système commercial.

Le divertissement est addictif

Ainsi que le disaient les romains : "Panem et circenses", du pain et des jeux. Le divertissement est devenu le nouveau palliatif moderne, le moyen de supporter sa vie à défaut de s'accomplir. Vous haïssez votre métier ? Vous y survivez grâce à vos 4 heures de divertissement hebdomadaires, plutôt que de consacrer ce temps précieux à la recherche d'un nouvel emploi. Vous êtes malheureux ? Rien ne vaut le dernier jeu à la mode plutôt qu'une séance chez le psychologue.

Chaque jour, le divertissement vous permet de vider votre esprit de tous les problèmes que vous refusez d'affronter. Vous éludez et vous oubliez. Un esprit humain ne peut cependant pas s'empêcher de se remplir, et la cause de vos problèmes n'a pas disparu après 4 heures de reportages américains sur une chaîne de la TNT. Plus vous videz votre esprit, et plus facilement il se comble de vos problèmes quotidiens. Plus facilement il se comble, et plus vous devenez accro au bien-être ressenti lorsqu'il se vide. Vous voilà drogué aux divertissements ! Ils deviennent votre seule bouée de sauvetage, mais aussi l'artisan de votre malheur : ils ne résolvent rien. Et vous stagnez !

La culture, au contraire, vous nourrit, vous fait évoluer, vous épanouit, elle renforce votre sentiment d'appartenance à un groupe ou à une société, elle vous connecte avec ceux dont vous partagez les références culturelles. En remplissant votre cerveau de bonnes choses, elle empêche les idées noires et les problèmes de s'immiscer dans votre cerveau : il n'y a tout simplement plus assez de place pour la déprime, et cela vous permet de relativiser, de voir les choses positivement et d'être en capacité de faire évoluer ce qui ne vous convient pas.

Certes, la culture demande un investissement supérieur au divertissement, ainsi que nous l'avons vu dans la partie précédente. Cela confirme l'adage économique : Sans investissement, pas de bénéfice !

Qu'attendez-vous pour investir ?

Le jeu : produit de divertissement !

Le jeu peut être perçu négativement, comme un produit de divertissement qui serait aliénant par nature, en déconnectant les joueurs de leur environnement et en les plongeant dans un monde virtuel et immature.

Il suffit de se plonger dans les rayons d'une grande-surface pour se convaincre du bien-fondé de ce constat : Le jeu est bel et bien un outil de divertissement. Qu'il s'agisse de jeux à gratter, de jeux vidéo "casual" en free-to-play, de jeux de société "à boire", de type "quizz" ou "apéros", les exemples ne manquent pas de jeux simples, produits en Chine à des centaines de milliers d'exemplaires, ne nécessitant strictement aucun investissement émotionnel, aucun apprentissage, aucune réflexion. Ces jeux se vendent à grands coups de marketing et de publicité. Ils répondent à un unique besoin, un unique objectif : s'amuser, se vider la tête sans "prise de tête". Ou pire, ils correspondent à un acte compulsif d'achat, produits à courte durée de vie, bien vite remisés au placard.

La particularité du jeu est qu'il est souvent acheté pour quelqu'un d'autre, enfants, petits enfants ou amis, pour un anniversaire ou un 25 décembre. L'acheteur n'est alors pas connaisseur du produit ; il ne ne se renseigne pas sur la valeur culturelle, éducative, écologique ou citoyenne du produit, il ne juge pas sur la qualité du matériel. Il choisit d'après la publicité, d'après les effets de mode, d'après la beauté de l'emballage, d'après la liste de Noël de son gamin, lui-même influencé par les programmes télévisés et les cours d'école. Il est en somme le consommateur parfait : celui qui choisit en toute ignorance et subit donc au maximum l'influence du marketing. Dans un contexte de méconnaissance totale du produit, un produit de divertissement est toujours moins cher, plus simple à comprendre, plus facile d'accès, plus normé et donc privilégié par rapport à un produit culturel.

Le jeu : produit culturel ?

Le jeu prend une place de plus en plus importante dans notre vie. Dans les années 80, les adolescents se sont mis à jouer en grand nombre. Jeux vidéo, jeux de rôle, jeux de société, les supports ludiques se sont multipliés et les jeux se sont complexifiés. Cette tendance a pu être perçue négativement par la France réactionnaire : Dans le milieu des années 90, plusieurs reportages tentèrent de faire passer le jeu de rôle pour une pratique sataniste et dangereuse, faits divers, suppositions et autres recoupements douteux à l'appui. Il n'y a pas si longtemps, des reportages présentaient le jeu vidéo comme une activité qui rend asocial et violent.

Le jeu a beaucoup évolué en 40 ans. Le public a vieilli et s'est élevé socialement. Les adolescents d'hier sont devenus des chefs d'entreprise, des pères et mères de famille, des élus locaux. Tout le monde s'accorde (opinion que je ne partage pas) pour affirmer que les adolescents sont bêtes (toujours plus bêtes à chaque génération !), influençables et décadents. Il est plus difficile de s'en prendre à des adultes responsables qui continuent à jouer après 40 ans et font jouer leurs enfants. Jouer était hier une abomination ; c'est maintenant devenu la norme.

En vieillissant, le jeu a drastiquement changé. Il s'est forgé une histoire, avec son lot d'anecdotes, de souvenirs nostalgiques, de scandales et d'évènements marquants. La qualité des jeux s'est améliorée, chaque génération de créateurs s'appuyant sur les innovations précédentes pour développer des produits toujours plus performants. Le jeu s'est érigé en science, avec des colloques à l'université, en tant que pratique éducative, avec des articles scientifiques ou encore des groupes d'études universitaires. Les joueurs se sont créés une culture commune, avec son vocabulaire, ses références, ses réflexions théoriques et ses anecdotes.

Le jeu peut être culturel par sa nature même, mais aussi par la nature des sujets qu'il choisit d'aborder. Le jeu de rôle et le jeu vidéo choisissent de plus en plus de mettre en avant des enjeux sociétaux, des dilemmes moraux ou encore des connaissances historiques et scientifiques. Pour le jeu de rôle, citons les jeux des Ateliers Imaginaires ; pour le jeu vidéo, on peut penser à Papers, Please ou à Kerbal Space Program. Le jeu de société, quant à lui, est un peu à la traîne dans le choix d'intégrer un contenu dépassant des mécaniques de jeu et une ambiance globale.

Le niveau de complexité, de richesse et de diversité atteint par les jeux, les multiples lectures que permettent certains d'entre eux, en font très clairement des produits culturels qui n'ont pas à pâlir devant les oeuvres cinématographiques, littéraires et musicales.

Allier divertissement et culture dans l'approche ludique

Depuis le début de l'article, j'oppose le divertissement et la culture. Depuis le début de l'article, je clame ma haine du divertissement, un outil aliénant destiné à abrutir et asservir les masses. J'ai choisi de développer ma réflexion sous cet angle car je pense sincèrement que le divertissement est utilisé à mauvais escient dans notre société. Je pense sincèrement qu'il dessert les intérêts de ses utilisateurs.

Le divertissement n'est pas pour autant une mauvaise chose en soi. Se vider la tête, oublier ses problèmes, est nécessaire pour avoir une approche constructive. Si vous ne parvenez pas à évacuer vos soucis, il y a fort à parier que vous ne serez pas dans de bonnes dispositions pour faire quoi que ce soit d'autre. Il est important que vous puissiez relativiser, afin de consacrer votre temps à autre chose qu'à vous morfondre. Le divertissement vous amuse, il vous divertit, il vous vide la tête : il vous met en position parfaite pour recevoir. La question est : recevoir quoi ?

De la culture, pardi ! Et c'est en cela que le divertissement et la culture sont loin d'être contradictoires. Le divertissement vous met en position de recevoir ce que la culture vous propose. La culture, quant à elle, rend votre expérience unique, enrichissante, elle vous donne un sentiment de satisfaction, d'accomplissement et de fierté.

Pour conclure, je me permets de vous donner un exemple très personnel : je suis l'auteur d'un jeu de société coopératif et culturel sur l'archéologie. J'ai testé ce jeu (pas encore commercialisé) assez largement (plus de 80 testeurs) pour que j'affirme ce qui suit. Le jeu permet très clairement de s'amuser : les joueurs ont des objectifs à accomplir avant la fin du temps imparti. Le jeu s'appuie sur l'imprévu, sur la curiosité, sur la stratégie collective et sur les options tactiques pour susciter du plaisir, du divertissement chez les joueurs. Il permet également d'apprendre l'archéologie, ses méthodes, ses sites, ses périodes et ses objets, tout en incitant au calcul combinatoire. Il est la preuve que divertissement et culture peuvent se compléter harmonieusement, au prix d'une expertise multidisciplinaire, de réflexions poussées et d'un important travail de développement.

J'ose espérer que peu à peu, le jeu deviendra un produit culturel et qu'il sera reconnu à sa juste valeur. J'ose espérer que peu à peu, les jeux allieront de plus en plus le divertissement et la culture. Reste à savoir si les consommateurs seront eux aussi sensibles à cette démarche. Chers consommateurs, vos actes d'achat sont des actes militants. Vos achats définissent ce qui se vend et donc ce qu'on vous propose.

Bonus : Les jeux sérieux

J'ai donné des exemples de jeux divertissants qui ne sont pas des jeux culturels. Il existe également des jeux culturels qui sont peu ou pas divertissants. Les jeux sérieux (serious games en anglais) sont des jeux dont le but principal n'est pas le divertissement. Ces jeux peuvent servir des intérêts commerciaux (faire la publicité d'un produit) ou des intérêts éducatifs (apprendre de manière "amusante"). La plupart des jeux sérieux sont des jeux vidéos. Utiliser le jeu comme support pédagogique est une très bonne idée, car le jeu permet d'apprendre autrement, d'attirer l'attention de l'élève, de l'inciter à s'intéresser à l'apprentissage proposé.

Cependant, la plupart des jeux sérieux existants que j'ai testés se heurtent à la problématique de l'interdisciplinarité. Créer un jeu sérieux nécessite de nombreuses compétences : développement informatique, connaissances dans le domaine d'apprentissage du jeu, méthodologie pédagogique, et game-design (conception de jeux).

Dans un jeu sérieux, le game-design est souvent beaucoup moins travaillé que les trois autres aspects. Les systèmes de quizz et autres jeux de l'oie sont légions. L'une des raisons peut en être la récenteté de la discipline ludique : peu de personnes sont formées à la conception de jeux. Une autre raison est peut-être liée à l'image encore négative du jeu, ce qui tendrait à le faire considérer comme l'aspect le moins important d'un jeu sérieux. Une autre raison peut être sociétale, liée à cette rupture entre culture et divertissement, qui tendrait à faire croire qu'ajouter du divertissement impose de retirer du culturel. Une dernière raison, enfin, peut être simplement liée à une question de temps de développement : créer des mécaniques de jeu amusantes prend plus de temps que de laisser l'aspect ludique du jeu au second plan. Et le temps, c'est de l'argent.

Je m'intéresse beaucoup aux jeux sérieux et ils mériteraient un article à part entière. Je pense qu'il est possible de renforcer l'aspect ludique d'un jeu sérieux sans pour autant nuire à son aspect pédagogique. Je pense que, comme les jeux traditionnels qui ont beaucoup évolué en 40 ans, les jeux sérieux seront amenés à développer de nouvelles méthodes pour équilibrer les aspects ludique/divertissant et éducatif/culturel.

Les images de l'article sont issues du domaine public et proviennent du site Pixabay

samedi 24 décembre 2016

Méthode Brisecous de classement des jeux de rôle

La méthode ci-dessous permet de catégoriser 504.000 types de jeux de rôle différents. Vous ne me croyez pas ? Lisez la suite ! Pour un meilleur confort de lecture, vous pouvez consulter cet article au format PDF.

Mon article précédent faisait le constat de l'existence de certains types de jeu vidéo et tentait une analogie avec le jeu de rôle. Il faisait également la critique de la dichotomie entre des univers et systèmes de résolution conçus comme des bacs à sable, et les scénarios-couloirs (également appelés scénarios linéaires ou scénarios toboggans) proposés dans la plupart des jeux de rôle. Suite à cet article, j'ai eu envie d'imaginer quels pourraient être les différents types de JDR, et quelles seraient leurs spécificités en termes de game-design.

Je développe ma méthode de classement des jeux de rôle dans cet article. J'articule mon propos en deux parties :

  1. Les définitions des concepts que j'utilise
  2. Le cadre d'analyse que j'ai imaginé pour catégoriser les différents types de JDR

Cet article sera suivi d'un article sur les différents types de jeu de rôle, catégorisés à l'aide de la méthode Brisecous. J'essaierai d'imaginer différents types de jeux et de réfléchir à ce qu'ils impliquent en termes de game-design.

Certains concepts et définitions que j'utilise sont fortement inspirés de ce que propose la communauté des Ateliers Imaginaires.

Table des matières

Utilité d'un système de classement

Ce système de classement a plusieurs objectifs :

  1. Aider le créateur de jeu de rôle en lui montrant toutes les options possibles
    • Le créateur ne choisit plus par défaut, il a toutes les clés en main !
  2. Aider le joueur de jeu de rôle à mettre des mots sur le type de jeu qu'il apprécie
    • Le joueur peut trouver une table qui joue comme lui, finies les disputes !
  3. Faire émerger de nouveaux types de jeux de rôle
    • Posséder un outil "externe" facilite l'émergence de nouvelles idées !

Définitions

Contrat social : les règles que les joueurs créent entre eux pour pouvoir jouer dans de bonnes conditions. Ce contrat peut être explicite (les règles sont verbalisées par les joueurs) ou implicite (ces règles vont de soi, elles n'ont jamais été précisées). Par exemple : charger un joueur de prendre des notes, interdiction de certains sujets sensibles, limitation de la durée pendant laquelle les joueurs peuvent suivre une quête personnelle plutôt que la quête commune du groupe...

Fiction : l'histoire créée par les joueurs. Il y a ce qui est dans la fiction (exemple : les actions des personnages) et ce qui est hors de la fiction (exemple : lancer les dés, manger des chips, lorsque les joueurs parlent en leur nom et pas au nom de leur personnage). C'est ce qu'on appelle dans les milieux bobo-narrativo-rôlistes : intradiégétique et extradiégétique. De quoi briller en société lors de votre prochain repas mondain.

Univers : également appelé background. Le cadre, l'ambiance proposés par le jeu. La manière dont le monde dans lequel se déroule la fiction, est décrit et détaillé dans le jeu.

Système de jeu : également appelé règles du jeu. Il s'agit de toutes les règles qui encadrent le jeu et permettent d'y jouer. Cela inclut le système de résolution et le contrat social, mais également la manière dont le jeu s'organise, la manière dont on raconte l'histoire, la présence ou non d'un MJ... Voir la définition de Romaric Briand sur son blog.

Système de résolution : manière dont les actions des personnages sont résolues dans le jeu. Lorsqu'un joueur fait agir son personnage, le système de résolution permet de savoir si le personnage a réussi ou raté son action. Ces systèmes sont souvent chiffrés, à base de compétences et de lancers de dés.

MJ (Meneur de Jeu) : le MJ se sert du scénario pour créer le monde autour des joueurs. Il met en place la fiction, il décrit les lieux aux joueurs, il crée des évènements et des défis que les joueurs devront surmonter, il gère le système de jeu. Certains jeux de rôle n'ont pas de MJ et répartissent ses responsabilités entre les joueurs.

Autorité : responsabilités habituellement dévolues au MJ. Capacité à influencer l'évolution de la fiction, à décider du résultat des actions grâce au système de résolution, à avoir le dernier mot en cas de désaccord entre joueurs.

Narration : c'est le fait de raconter la fiction, de faire parler son personnage et de décrire des évènements qui se passent dans le jeu.

Scénario : l'histoire que vont vivre les joueurs. Cette histoire est souvent scénarisée, c'est-à-dire que des éléments sont prévus à l'avance pour faciliter le travail du MJ et rendre l'histoire plus cohérente et plus croustillante. Il existe plusieurs types de scénarios.

Cadre d'analyse

Je vais utiliser 8 critères pour définir mon cadre d'analyse :

  1. Cadre fictionnel : L'univers. Manière dont il est construit, dans quel cadre jouent les joueurs
  2. Système de résolution : ce qu'il met en valeur, quels sont ses objectifs
  3. Encadrement de la narration : La manière dont l'autorité est distribuée entre les joueurs, la manière dont la narration, la création de fiction sont gérées dans la partie
  4. Point de vue : Le rôle pris par les joueurs dans la fiction. Généralement, le joueur a un point de vue unique qui ne varie pas : le point de vue de son personnage.
  5. Scénarios : Leur présence ou leur absence, comment ils sont structurés, la manière dont le jeu propose au MJ ou aux joueurs de définir le cadre de la fiction.
  6. Objectifs fictionnels : Manière dont les joueurs fixent les objectifs de leur personnage au sein de la fiction, dont ces objectifs sont laissés libres ou imposés aux joueurs.
  7. Proposition ludique : Manière dont le jeu propose aux joueurs de s'amuser. Je m'inspire très fortement de la théorie LNS
  8. Relation au groupe : La manière dont les joueurs interagissent en tant que groupe, notamment l'aspect coopératif ou compétitif du jeu entre joueurs.
Pour chacun de ces critères, j'ai défini des catégories que je détaille ci-après. En croisant les différents critères et leurs catégories, cela permet d'imaginer 5x4x3x4x7x5x5x3x4 = 504.000 types de jeux différents. Je n'en détaillerai qu'une infime minorité dans mon futur article sur les différents types de jeux de rôle !

Cadre fictionnel

Cadre encyclopédique : L'univers est détaillé comme une encyclopédie. Les lieux (pays, villes...), les différences culturelles, l'histoire, les personnages importants (chefs de faction...), les factions, leurs relations et leurs objectifs, les secrets et intrigues, tout est détaillé de manière exhaustive.

Cadre scénario-centré : Le jeu développe les parties de l'univers qui sont utiles aux scénarios proposés, les autres parties ne sont pas développées et laissées à la discrétion du MJ.

Cadre générique : Le jeu propose un cadre d'univers général en laissant la liberté au MJ de le personnaliser. Par exemple : les standards du space-opera ou du cyberpunk.

Cadre mécanopropulsé : Aucun texte ne détaille l'univers de la partie. Des mécaniques spécifiques du système de jeu transmettent des informations, par exemple grâce à des tables aléatoires qui permettent de générer le cadre fictionnel.

Cadre transparent : Aucun texte ne détaille l'univers du jeu. C'est aux joueurs ou au MJ de créer leur propre cadre fictionnel.

Système de résolution

Note : Le système de résolution des actions tentées par les joueurs dans la fiction, est au coeur du jeu de rôle. Catégoriser les systèmes de résolution est très complexe. J'ai choisi de définir deux sous-critères :

  • La difficulté de résolution
  • La structure de résolution
Je pense que la catégorisation que je propose est imparfaite ; j'ai choisi de publier cet article en l'état, et de faire évoluer ma méthode de classement en fonction des retours qui me seront faits. Je vous invite à me contacter par courriel ou dans les commentaires, pour me donner votre avis et me proposer des améliorations.

Difficulté de résolution

Système réaliste : Les actions sont difficiles et les erreurs ne pardonnent pas. La difficulté est dosée pour permettre l'instauration d'une tension, pour proposer un certain réalisme, pour créer de la peur ou de la prudence chez les joueurs. Les personnages n'ont pas de capacités surhumaines et ils possèdent des points faibles.

Système héroïque : Le système favorise la réalisation d'actions incroyables et héroïques. La difficulté évolue dans le jeu pour accompagner la montée en puissance des personnages. Les personnages sont dotés de capacités surhumaines et ils peuvent dépasser les limites de ce qui est considéré comme humainement réalisable.

Système bisou : Les actions ne sont jamais vraiment ratées. Le jeu met en avant une adversité légère, le danger n'est jamais vraiment présent. Le jeu a vocation à être mignon ou apaisant.

Système transparent : Il n'y a pas vraiment de gestion de la difficulté en jeu, les actions sont réussies automatiquement, au bon vouloir des joueurs ou par concertation entre eux.

Structure de résolution

Structure naturaliste : Le système de résolution a pour vocation de définir de nombreux critères et options afin de restituer de la manière la plus fidèle possible, les chances de réussite du personnage en fonction de la situation de jeu.

Structure globale : Le système de résolution a pour vocation d'appréhender dans sa globalité une situation de jeu, tout en simplifiant les règles qui entourent la définition de la difficulté et la manière de résoudre les actions.

Structure tactique : Le système de résolution a pour vocation de proposer aux joueurs des options tactiques, au travers de capacités spéciales, de jokers, de points de chance et autres bonus divers et variés, à utiliser pour influencer le résultat des actions tentées par les joueurs.

Encadrement de la narration

Note : j'ai emprunté le terme "Autorité partagée" à Frédéric Sintes.

MJ omniprésent : Le MJ a un rôle central : il est maître de la fiction, il gère quasiment tout. Il a pour rôle de planter le décor, de gérer le scénario et de résoudre les actions des joueurs. Les joueurs choisissent uniquement les actions de leurs personnages, actions dont le MJ décide le résultat en fonction du système de résolution ou de son humeur du moment.

MJ avec mécanisme de prise d'autorité : Le MJ est omniprésent. Une mécanique de jeu permet aux joueurs de remplacer momentanément le MJ, ou d'impacter sur le déroulement des évènements pendant une courte période.

MJ tournant : Chaque joueur prend le rôle du MJ, chacun son tour. Le système de jeu explique comment les joueurs tournent : ils peuvent être MJ pendant une scène, ou prendre la main dans certaines circonstances...

Autorité partagée : Le rôle traditionnellement dévolu au MJ est partagé entre les joueurs. Tous les joueurs sont libres d'agir sur la fiction en la modifiant d'une façon qui dépasse le cadre de leur personnage. Tous les joueurs peuvent résoudre les actions des autres personnages. Le système de jeu encadre la manière dont l'autorité est partagée entre les joueurs.

Point de vue

Egocentré : Le joueur joue strictement le rôle de son personnage. Il voit et joue à travers ses yeux uniquement.

Egocentré à option changeante : Le joueur joue le rôle de son personnage. Une mécanique de jeu particulière lui permet de changer momentanément de point de vue.

Changeant : Le joueur joue un rôle unique mais ce rôle peut changer régulièrement, les modalités de ce changement de rôle étant fixées par le système de jeu.

Partagé : Tous les joueurs jouent le rôle du même personnage. Le système de jeu leur permet de jouer chacun leur tour ou de se mettre d'accord entre eux.

Multiple : Le joueur joue le rôle de plusieurs personnages

Elargi : Le personnage joue le rôle d'un groupe ou d'une entité plus importante (un village, une nation, une espèce, une planète...).

Global : Le joueur joue de nombreux rôles, peut changer de rôle à volonté, ou joue tous les rôles possibles.

Scénarios

Je me suis servi d'un article d'Acritarche pour définir ces catégories.

Aucun scénario : Le jeu ne propose aucune histoire scénarisée, c'est aux joueurs ou au MJ de construire lui-même son histoire.

Scénario linéaire : Le scénario propose aux joueurs de vivre une aventure scriptée consistant en une suite de scènes, comme s'ils étaient les protagonistes d'un film. Ils n'ont pas la possibilité de suivre leur propre voie et leurs choix sont donc limités. Egalement appelé scénario couloir et scénario toboggan.

Scénario à embranchements : Le scénario est fixé à l'avance. Les joueurs ont des choix à faire qui leur permettent de prendre un embranchement différent à plusieurs endroits du scénario. Le choix d'un embranchement plutôt qu'un autre a un véritable impact sur la fiction. Le scénario peut proposer des fins alternatives qui varient selon les choix des joueurs.

Générateur de scénario : Le jeu propose de générer un scénario sur le pouce. Le joueur lance des dés et se réfère à des tables, ou il choisit parmi des listes, ce qui permet de créer un cadre et des objectifs pour la partie.

Scénario modulaire : Le scénario n'est pas organisé de manière chronologique : il ne propose pas une suite de scènes à vivre. Il propose une série de modules, ces modules peuvent être des évènements, des scènes, des lieux, des personnages, des situations. Le scénario se crée grâce à l'utilisation de ces modules facultatifs qui peuvent être déclenchés dans n'importe quel ordre.

Objectifs fictionnels

Je me suis inspiré de l'article de Frédéric Sintes : Différents degrés d’impact des joueurs sur l’histoire.

Absence d'objectifs : Le jeu ne propose pas aux joueurs de fixer des objectifs pour leurs personnages. Le but du jeu est ailleurs, par exemple dans le faire de raconter une belle histoire.

Autonomie d'objectifs : Les joueurs (en tant que groupe) sont autonomes dans la gestion des objectifs de leurs personnages. Ils peuvent choisir leurs quêtes et pour qui ils prennent parti. Ils peuvent jouer les méchants ou les gentils, et même définir qui sont les gentils et qui sont les méchants.

Objectifs secondaires : Les joueurs peuvent se créer leurs propres objectifs, mais ces objectifs sont secondaires et se greffent sur des objectifs manichéens ou sur un objectif imposé.

Objectifs manichéens : Le joueur a un choix limité entre plusieurs objectifs contradictoires. Par exemple : Faire gagner le camp des gentils ou le camp des méchants.

Objectif imposé : L'objectif est imposé aux joueurs, ils choisissent uniquement les moyens d'atteindre cet objectif, la manière dont ils vont résoudre les problèmes.

Proposition ludique

Je m'inspire de la théorie LNS : voir l'article du Thiase sur la question. Certains jeux peuvent privilégier deux objectifs ludiques, ou ne mettre en avant aucun objectif ludique.

S'immerger : Le jeu propose avant tout au joueur de s'immerger dans son personnage et dans l'univers qui l'entoure. L'univers est cohérent et détaillé, avec une ambiance et une esthétique particulières. Le jeu favorise la création de personnages riches possédant un passé et une psychologie détaillés. Également appelé "Simulationnisme".

Raconter : Le jeu propose avant tout de raconter une belle histoire. L'intérêt du jeu réside dans sa capacité à aider les joueurs dans la mise en place de scènes intéressantes et d'histoire originales. Dans ce jeu, les personnages sont souvent au second plan par rapport à l'histoire globale. Également appelé "Narrativisme".

Gagner : Le jeu propose avant tout au joueur de surmonter des difficultés et des défis. Le joueur est incité à analyser l'univers et le système de jeu en termes d'avantages à additionner, dans le but de triompher de l'adversité. Également appelé "Ludisme".

Relation au groupe

Manichéenne : Le MJ et les joueurs - ou deux groupes de joueurs - sont dans deux camps différents et seul l'un des deux camps peut obtenir la victoire.

Compétitive : Les joueurs sont en concurrence et leurs intérêts sont divergents.

Coopérative : Les joueurs sont un groupe uni qui a des objectifs communs.

Anarchique : Les joueurs peuvent s'unir ou se combattre selon leur bon vouloir.

N'hésitez pas à me donner votre avis en commentaires et à débattre en toute sérénité pour m'aider à améliorer ce système de classement.

jeudi 15 décembre 2016

Supertension : Compte-rendu de partie n°3

28/11/16, Compte-rendu n°3, partie-test n°7

Ce rapport de partie est publié avec l'aimable autorisation d'Arjuna Khan. Je le remercie chaleureusement pour avoir accepté de tester le jeu, ainsi que pour ses retours très constructifs et pertinents.

Pour un meilleur confort de lecture, vous pouvez télécharger et consulter cet article en version PDF.

Je vous souhaite une bonne lecture.

Table des matières

Règles et version du jeu

Les règles et la version du jeu utilisées sont la v0.6 avec une carte d'Europe revisitée (pays imaginaires inspirés de nations existantes ou ayant existé).

Le jeu est téléchargeable ici dans sa dernière version. Les supports de jeu sont téléchargeables ici. Voir aussi mon article de présentation dans lequel je détaile mes intentions pour le jeu.

Détails techniques

Logiciels

  • Vocal : Google Hangouts
  • Table virtuelle : Roll20

Joueurs

  • Président : Brisecous
  • Ambassadeur : Arjuna Khan

Chronologie

  • Explications des règles : 5 minutes (déjà connues du joueur)
  • Construction du scénario : 5 minutes (choix des pays et des conflits)
  • Durée du jeu : 2 heures
  • Retours : 30 minutes

Pays

  • Pays du Président : Northland, République aristocratique
  • Pays de l'Ambassadeur : Liivimaa

Conflits

  • Conflit officiel Judiciaire. Les gens du Northland ont rétabli la peine de mort à titre exceptionnel, à cause d'un chercheur qui aurait créé une bombe chimique très dangereuse. Vu que Liivima est en situation de pauvreté très grande, elle a proposé à ce chercheur de se réfugier chez eux et de négocier avec l'Empire de Rossavian afin d'en tirer des avantages.
  • Conflit caché Culturel. L'aire d'influence du Rossavian Empire augmente, les habitants de Liivima parlent mieux le Rossave que le Nordique. Il est inacceptable que le Liivima passe sous influence étrangère, surtout sous l'influence de l'ennemi juré du Northland.

Personnages

  • Ambassadeur : Ambassadeur du conseil d'état major de Liivimaa
  • Ministre : Elspeth Darkbroke, ministre de l'environnement
  • Président : Rupert Staring
  • Générale : Astrid Darkbroke
  • Diplomate : personnage générique
  • Fonctionnaire : personnage générique

Mécaniques de partie

  • Partie gagnée. Le bouton a avancé d'une case
  • Tous les bonus ont été utilisés
  • Aucun argument n'a été trouvé
  • Le Plébiscite a été donné 2 fois (oubli du MJ de le distribuer vers la fin)

Statistiques des personnages

Rappel :

  • Président : 6-5-4-3
  • PNJ : 5-4-3-2

Personnage Coercition Corruption Eloquence Compromis
Président 3 6 4 5
Diplomate 2 3 4 5
Général 3 4 5 2
Fonctionnaire 5 4 2 3
Ministre 4 2 3 5

Récapitulatif des actions

Tour Personnage Objectif Action Bonus Réussite/Echec
1 Ministre Argument Compromis Plébiscite E
2 Président Conflit off. Coercition Plébiscite R
3 Diplomate Conflit caché Corruption Ressource R : Pas diplo.
Bonus Générale Conflit caché Eloquence / E
4 Président Conflit caché Compromis / E > Culturel
5 Fonctionnaire Conflit caché Eloquence / R > Culturel
6 Président Conflit caché Eloquence 2 ressources R > Victoire

Exemples de narration

Les exemples de narration ci-dessous sont principalement réalisés par Arjuna Khan. Je n'ai pas pu prendre de notes de mes propres narrations. Les narrations sont simplifiées par endroits faute d'avoir pu noter fidèlement l'intégralité de la discussion.

Action 1 : Compromis raté contre le Ministre pour obtenir l'Argument. C'est l'Ambassadeur qui parle.

- "Je ne peux pas vous remettre cette personne maintenant car l'ONU a interdit la peine de mort, mais je peux vous proposer de remettre ces plans et de vous donner ma parole que je n'en ferai pas de copie, et juste de garder cette personne sur notre sol en signant un accord comme quoi il ne poursuivra pas dans ses recherches. En échange j'aurais besoin d'un accord commercial, nous avons besoin d'investissements pour nous permettre de sortir de cette situation de crise très grave que traverse notre pays."

Action 3 : Corruption réussie contre le Diplomate pour obtenir le Conflit caché. L'Ambassadeur parle avec le Diplomate.

- "Nous avons intercepté des individus à la frontière et nous avons été surpris par ce qu'ils détenaient. Ils viendraient de votre pays.
- Allons c'est ridicule, aucun citoyen de Northland ne viendrait chez vous, sinon pour passer quelques jours de vacances !
- Il semblerait que ces gens ont passé quelques temps à l'intérieur de notre pays et que vous-même vous les recherchiez. Je pense que le mieux c'est d'être direct avec vous. Il semblerait que ces individus ne soient pas humains et soient détenteurs d'une technologie extraterrestre. Nous avons d'ailleurs perdu une vingtaine de soldats en essayant de les intercepter.
- Je tombe des nues ! Allons ! Nous N'avons pas de base secrète ! Envoyez-nous vos preuves pour que nous prouvions qu'elles sont fausses.
- J'ai ici 3 personnes dont l'état-major m'a proposé de les cacher au président même. Cette technologie supérieure militaire extraterrestre crée des problèmes. Est-ce qu'elle est la source du conflit caché entre nos 2 pays ?"
(fin non prise en notes)

Action bonus "secrétaire" : Eloquence ratée contre la Générale pour obtenir le conflit caché. Echange entre la Générale et l'Ambassadeur.

- "Générale Elspeth Darkbroke à l'appareil.
- Bonjour, je suis la secrétaire de l'ambassadeur. Avez-vous du temps à me consacrer ?
- Oui, allez-y, j'étais en train de consulter des rapports affligeants d'ennui sur la situation à la frontière... Je suis à votre écoute.
- Je suis ravie de ne pas vous perturber. Je vous contacte suite à un signal radar des services de l'ONU, car nos radars ne sont pas suffisamment performants. Des drones survolent notre espace aérien en ce moment, lancés depuis votre pays.
- Vous n'avez pas reçu l'info ? Elle n'a pas encore dû arriver. Suite à notre accord, en tant qu'alliés, vous bénéficiez de notre protection. Désormais vos intérêts sont nos intérêts."
(fin non prise en notes)

Action 4 : Compromis raté contre le Président pour obtenir le conflit caché (l'Ambassadeur apprend donc que le conflit n'est pas Culturel)

- "(Présentations)
- Je vous contacte avec la politique de notre pays en rapport avec l'homosexualité. Nous sommes un pays très religieux, très sur ses acquis. Vous êtes plus ouverts que nous sur ces questions. J'ai cru comprendre que certains de nos accords s'étaient envenimés sur ce point-là.
- L'homosexualité ne pose pas problème, ce sont des gens normaux...
- Il y a beaucoup de pression religieuse et populaire dans notre pays autour de l'homosexualité. Nous avons réfléchi à ne plus rendre possibles les sanctions pénales en ce qui concerne l'homosexualité, notamment pour juger à des peines de prison et limiter à des amendes et travaux d'intérêt général.
(lancer de dé > échec)
- Président : Nous avons des désaccords culturels, effectivement, mais pas en lien avec votre traitement rétrograde de l'homosexualité."
(fin de l'action)

Action 6 : Eloquence réussie contre le Président (conflit culturel résolu)

- "Monsieur le président, je pense avoir une très bonne nouvelle à vous annoncer. Nous sommes déjà depuis un certain temps en contact avec un regroupement de pays qui jusqu'à présent étaient appréciés de l'Empire Rossavian. Nous avons convaincu ce groupe de tenter de manière discrète et confidentielle, de rassembler un certain nombre de pays slaves sous une même bannière afin de se dégager de l'empire Rossavian. J'ai été en contact récemment avec votre fonctionnaire principale, qui a su m'éclairer sur les conflits culturels qui pouvaient se tenir entre nos deux pays. Je me demandais si une union entre vous et les pays slaves et la tentative de mettre en place une politique commune pourrait vous intéresser.
J'ai également un autre point à vous soumettre. L'empire Rossavian utilise nos territoires pour son exploitation gazière. De manière suggérée, nous pourrions leur compliquer la tâche au profit d'autres exploitations gazières."
(fin non prise en notes)

Point de vue du testeur

Opinion générale

J'ai ressenti plus de plaisir que lors de la précédente partie que nous avions jouée ensemble, car il y avait plus de tension. Je ne m'intéresse pas à la stratégie mais j'aime les jeux qui m'y poussent.

Retours critiques

Je trouve qu'il y a plus d'options stratégiques que dans la précédente partie. Il y a plus de tension sur les options de jeu. C'est très punitif. C'est tellement la course à trouver les problèmes que choper des arguments est difficile, c'est très tendu. Ca rend le rôle du secrétaire encore plus important. Tu utilises les arguments non pas parce qu'ils sont intéressants mais parce que tu n'as plus le choix. C'est cool de pouvoir rusher avec les ressources. Les narrations sont fatiguantes, il faut trouver les idées, il faut quelqu'un qui te donne du challenge derrière. C'est un jeu qui me fait penser aux échecs.

Ce jeu pousse à s'intéresser à la psychologie du MJ, à ce qu'il fait, à la manière dont il s'exprime... Cet aspect du jeu est très émergent mais très intéressant. Il y a une comparaison forte avec le poker. Une personne expérimentée et une personne novice ne vivront pas le même jeu.

La manière d'interagir entre les joueurs devrait être plus présente dans la partie écrite du jeu : comment offrir une résistance, échanger entre les 2 joueurs, poser des idées, développer des concepts. C'est un jeu de patience car sur la fin, j'avais envie de terminer le jeu car je fatiguais. Le problème de concentration crée des enjeux stratégiques différents.

Je m'interroge sur l'exigeance du jeu et sur ce qu'elle peut apporter. Le jeu est exigeant en termes de narration, mais sans narration pas d'intérêt, car ce serait un simple jeu de société.

A partir de quel moment il faut arrêter la narration ? Quand est-ce qu'on jette les dés ? Il faut le préciser dans les règles. Quand est-ce qu'on pose le conflit ? Idem.

Dans l'introduction du jeu, je me réfère beaucoup au positionnement MJ/PJ. Je n'ai pas besoin de cet artifice pour expliquer le jeu, il n'est pas utile à sa compréhension.

Question : Y a-t-il une manière différente de jouer le Président et les PNJ ? A préciser dans les règles du jeu.

Pour l'inclusivité des personnages féminins, être dans la suggestion plutôt que de forcer la main avec des obligations artificielles.

Supports de jeu

Note de l'auteur : j'ai placé ces retours à part car ils correspondent aux questions de game-design que je cherche à régler en ce moment.

La carte de l'Europe imaginaire : pas mal. Je ne savais pas si je devais utiliser des références de la vraie Europe ou pas. Il faut déterminer si c'est un monde imaginaire ou pas, est-ce qu'on peut utiliser des références de notre monde...

Les noms des personnages, c'est gadget, ça n'apporte rien de plus. Le diplomate, La générale, cela se suffit à soi-même.

C'est bien d'avoir un jeu où chacun met ce qu'il veut dedans.

Pour améliorer la rejouabilité : Préciser dans le livre les différents types de personnages possibles, permettre de créer des personnages originaux. Si le ministre est handicapé, cela crée du jeu, notamment par rapport à la manière dont le pays de l'Ambassadeur traite la question du handicap.

Les petits tokens pour visualiser quels Arguments ont été trouvés, quelles informations sont en possession de l'Ambassadeur, sont utiles au jeu.

Les renseignements permettent de savoir quel argument connaît le MJ ; la manière dont c'est expliqué dans le livre, ce n'est pas clair.

Creuser l'idée de cartes avec des spécificités de personnage, à tirer aléatoirement pour définir un caractère et faciliter l'incarnation des PNJ.

Point de vue de l'auteur

Test très positif à renouveler avec des personnes novices pour voir comment elles s'approprient la narration. Le système semble très bien tourner, à confirmer avec d'autres tests notamment pour jauger la difficulté (le précédent test de la v0.6 a fini sur un échec "sur le fil", là c'est une victoire relativement large).

Gros travail à faire sur les supports de jeu pour faciliter la prise en main du jeu. Cartes à jouer pour les Avantages du jeu, pourquoi pas pour les fiches de personnage également. Voir comment gérer le fait que les actions des personnages ont été utilisées ou non.

Question de l'univers à intégrer dans le jeu, de son lien avec le système de jeu, notamment par rapport aux caractères des PNJ, aux cartes des différents continents. Qu'est-ce qui relève du gadget et qu'est-ce qui sert ou facilite vraiment la création de fiction, notamment chez des joueurs inexpérimentés ? A creuser.

Être tenu(e)s au courant

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mercredi 7 décembre 2016

Expedius, JDR d'exploration futuriste clé en main

Aujourd'hui je vous présente mon nouveau projet de jeu de rôle : Expedius. Il s'agit d'un jeu de rôle d'exploration futuriste clé en main.

Synopsis : Année 2299. L'humanité arpente la galaxie. Un drone d'exploration a repéré un étrange signal radio sur une planète habitable. Votre équipe est chargée d'enquêter sur ce signal.
Expedius est né de ma volonté de créer un jeu de rôle clé en main, qui permette de jouer sur le pouce, sans aucune préparation, et qui soit adapté pour découvrir le jeu de rôle. Pour atteindre ses objectifs, Expedius répond à plusieurs critères :
  • Explications sur ce qu'est le jeu de rôle
  • Système de jeu très simple
  • Personnages pré-tirés
  • Matériel minimaliste (un seul dé à 6 faces)
  • Rôles des joueurs clairement définis (présence d'un MJ)
  • Objectifs de partie identifiés (trouver l'origine du signal)
  • Texte synthétique (maximum 30 pages)
  • [Scénario clé en main]
  • [Jeu de type Oneshot]
  • [Supports modulaires (le MJ s'empare du jeu petit à petit)]
Les critères entre crochets ne sont pas encore présents dans le jeu, ils le seront à terme.

Vous pouvez télécharger Expedius gratuitement dans sa version actuelle :
Règles du jeu - Fiches de personnage prétirées

Le scénario est en cours de construction, il fera l'objet d'un futur article. N'hésitez pas à tester le système de jeu, et à me faire un retour de partie. Votre opinion sur le jeu est la très bienvenue.

En vous souhaitant bonne lecture,

Mathieu

jeudi 24 novembre 2016

Ecrire un projet en 11 étapes

Avant-propos : Cet article s'adresse à tous les créateurs novices qui ont un projet d'écriture de jeu de rôle, de dossier, de livre et d'article. Il vous permettra d'éviter les erreurs de débutant, de mettre en valeur votre projet et d'obtenir un résultat agréable à lire.

Pour un meilleur confort de lecture, vous pouvez télécharger cet article en PDF. Vos retours et vos propositions d'amélioration de cet article sont les bienvenus, dans les commentaires ou par l'intermédiaire du formulaire de contact. Pour ne pas rater mes prochaines publications, vous pouvez recevoir les articles par email ou me suivre sur Twitter :

Je vous souhaite une bonne lecture.

Sommaire

Etape 1 : Définissez Vos intentions !

Commencez par définir clairement vos intentions, vos objectifs pour le projet. Prenez une feuille de papier et notez ce que vous voulez faire. Notez tout ce qui vous passe par la tête, tout ce qui vous fait envie, ne vous restreignez pas. Par exemple :

  • Je veux écrire un jeu avec des elfes
  • Je veux que ce jeu se joue avec des cartes à jouer
  • Je veux que ce soit un jeu très triste, avec des émotions
  • etc...

Une fois que vous avez une belle liste de toutes vos intentions, choisissez-en 3. Numérotez-les de 1 à 3 par ordre d'importance. Supprimez les autres. 3 intentions principales pour un jeu, c'est bien assez.

Lorsque vous écrivez votre projet, tout ce que vous mettez en place doit servir les intérêts de vos intentions. D'abord la 1ère, puis la 2e, puis la 3e. Si je place les elfes en 1ère ou en 3e intention, mon projet prendra une direction différente car je ferai des choix différents.

Ces intentions sont extrêmement importantes. Elles vont donner de la force, un sens à votre projet. C'est grâce à elles que votre projet sera original et cohérent.

Etape 2 : Commencez modeste !

Un projet se concrétise et vous apporte valorisation et satisfaction, uniquement si vous le terminez. Envisager une grande saga en 12 tomes est le meilleur moyen de ne jamais finir votre projet, de ne jamais tirer bénéfice du travail que vous aurez fourni. Fixez-vous des objectifs modestes : vous avez un projet de roman ? Commencez par une nouvelle de 10 pages. Vous voulez créer un univers de jeu de rôle super vaste ? Commencez par décrire en détails une ville de cet univers, ou écrivez un petit scénario de découverte dans cet univers.

Débuter par un projet modeste peut vous sembler restrictif. Dans ce cas, concevez votre projet de manière modulaire : Un module, c'est un morceau de votre projet qui peut fonctionner de manière autonome. Ce premier projet, vous pourrez le montrer. A ce premier projet, vous pourrez greffer de nouveaux modules qui viendront enrichir votre création. La fameuse saga de 12 tomes devient possible grâce à l'ajout progressif de modules de 50 pages. La différence ? Vous obtenez rapidement un résultat qui permet d'entretenir votre motivation. Notez que des auteurs très connus travaillent de cette façon, ce n'est pas une méthode de débutant.

Etape 3 : Ecrivez ! Là ! Maintenant ! Tout de suite !

Le plus dur dans un projet créatif, n'est pas de commencer. Le plus dur, c'est de garder sa motivation. On se juge, on se lasse, on se trouve des excuses (fatigue, nouveau projet, autres priorités...).

La solution, c'est d'écrire. Ne vous posez pas la question de ce que vous valez, ne vous interrogez pas sur le temps à y consacrer. Ce sont des prétextes inconscients que vous vous infligez pour ne pas sortir de votre zone de confort. Vous avez 10 minutes devant vous car vous êtes en avance au restaurant ? Crayonnez sur un coin de nappe en papier. Vous avez un trajet en transports en commun tous les matins ? De quoi prendre quelques notes et saisir des idées au vol. Il vous reste 15 minutes avant le réveil de votre gamine ? De quoi écrire une introduction ou un paragraphe. Ne vous arrêtez à aucune considération. Ne vous démotivez pas. Ne vous préoccupez de rien sinon d'écrire et d'y prendre plaisir.

N'hésitez pas à vous fixer des échéances, des dates de rendu, à définir une durée de travail par semaine, à décider d'un programme, à vous trouver des créneaux horaires consacrés à votre projet. Tout ce qui vous motive et vous garde focalisé sur vos objectifs est bon à prendre. Restez serein face à ces échéances : donnez-vous le droit à l'erreur ! Le non-respect de vos engagements doit seulement vous inciter à relever le défi pour la fois prochaine. Culpabiliser et vous mettre la pression sont uniquement des prétextes inconscients pour ne pas aller au bout de votre projet.

Ce qui fait la différence entre une oeuvre finie et un projet avorté, c'est la persévérance. La persévérance, qu'est-ce que c'est ? Ce n'est pas forcément s'acharner 10 heures par jour sur son manuscrit. Ce n'est pas forcément y consacrer sa vie et son âme. C'est surtout et avant tout : écrire pendant les petits moments de temps libre où l'on n'a rien d'autre à faire, écrire pendant des créneaux qu'on se libère volontairement, écrire régulièrement, écrire parce qu'on en a envie et faire en sorte d'en avoir envie. VOUS seul décidez de quoi vous avez envie !

N'oubliez pas : Tant que vous terminez votre oeuvre, qu'au moins une personne la lit et y prend plaisir, vous aurez gagné le pari. Le reste n'a pas (vraiment) d'importance.

Etape 4 : Construisez votre plan !

Le plan de votre projet, c'est son squelette. C'est lui qui structure vos idées, qui permet à vos lecteurs de comprendre où vous voulez en venir. Un plan est constitué de titres qui séparent votre projet en parties. Chaque partie peut être subdivisée en parties plus petites grâce à des titres de niveau inférieur. Vos parties doivent être de taille à peu près égale ; sinon, c'est que votre plan est mal construit et que vos informations sont mal classées. Chaque partie doit contenir à peu près le même nombre de sous-parties.

Un exemple de plan :

  • 1) Première partie
    • 1.1) Première sous-partie de la partie 1
    • 1.2) Deuxième sous-partie de la partie 1
  • 2) Deuxième partie
    • 2.1) Première sous-partie de la partie 2
    • 2.2) Deuxième sous-partie de la partie 2
    • 2.3) Troisième sous-partie de la partie 2
  • 3) Troisième partie
    • 3.1) Première sous-partie de la partie 3
    • 3.2) Deuxième sous-partie de la partie 3

Lorsque vous vous lancez dans un projet, commencez par construire votre plan. Prenez une feuille blanche et un crayon, et imaginez la structure de votre projet. Cela vous permettra de mettre en place vos idées et de ne pas partir à l'aveuglette. Faites évoluer régulièrement ce plan en même temps que votre projet.

Etape 5 : Débrouillez-vous tout seul !

Le premier réflexe de beaucoup d'apprentis créateurs est de monter une équipe de 15 personnes et de solliciter de l'aide tous azimuts. Ce n'est pas la bonne solution.

Les personnes expérimentées sont extrêmement sollicitées. Si vous n'avez rien à montrer, si vous n'avez pas déjà une base de travail solide pour les convaincre de votre sérieux et de votre motivation, elles ne travailleront pas bénévolement pour vous.

Sur Internet, il est assez facile de recruter une grosse équipe de personnes motivées... en apparence. Votre équipe fondra comme neige au soleil et vous vous retrouverez rapidement isolé. Recruter au mauvais moment ou pour de mauvaises raisons est une perte de temps.

Gérer une équipe n'est pas de tout repos. C'est un travail à temps plein. Si vous consacrez du temps à la gestion d'équipe, c'est autant de temps que vous ne consacrez pas à avancer sur votre projet. Lorsque les participants sont bénévoles, vous ne pouvez pas exiger d'eux un résultat. Le temps que vous consacrez à gérer votre équipe est parfois plus important que le temps qu'elle vous fait économiser.

Si vous recrutez un bénévole alors que vous ne savez pas encore quels sont vos besoins exacts, vous ne pourrez pas le faire travailler efficacement. Cela décrédibilisera votre projet.

Les textes, les illustrations et les images créés par quelqu'un d'autre ne vous appartiennent pas. En France, la loi sur la propriété intellectuelle est très protectrice envers les auteurs. A moins de faire signer un contrat de cession de droits à vos collaborateurs, vous n'avez plus le droit d'utiliser leurs travaux s'ils manifestent leur désaccord, même s'ils les ont réalisés pour vous et à votre demande, même s'ils vous avaient donné leur accord auparavant. Lorsque vous vous rendez dépendant du travail d'un autre, soyez conscient que cela vous retire la possibilité de faire ce que vous voulez du projet terminé.

En conclusion :

  • Ne recrutez pas dès le début de votre projet
  • Recrutez seulement si vous en avez absolument besoin
  • Ne recrutez pas pour faire ce que vous pouvez faire vous-même
  • Abordez la question de la propriété intellectuelle avec votre équipe

Etape 6 : Travaillez la forme !

Votre projet, vous y tenez. Il vous passionne et vous ne faites pas attention à ses nombreux défauts. Il vous plaît tel qu'il est. Ce n'est pas le cas des gens à qui vous allez le présenter. Les gens sont saturés d'informations et de trucs à lire toute la journée, on les sollicite en permanence. Avec un projet bien présenté et agréable, vous augmentez vos chances qu'ils prennent le temps de vous lire. Si la lecture demande trop d'efforts, ils passeront leur chemin. N'oubliez pas que ce sont eux qui vous font une fleur, qui vous rendent service en acceptant de vous consacrer du temps. Alors facilitez-leur la vie au maximum.

La forme de votre projet est très importante dès que vous rendez votre travail public, qu'il s'agisse de l'envoyer à des amis, de le partager sur les réseaux sociaux, ou d'en parler sur un forum de discussion. Avant de faire l'une de ces choses, mettez en forme votre projet et rendez-le attractif. Voir la dernière partie de cet article pour plus d'informations.

Créez une version PDF de votre projet. Le PDF est un format de fichier non modifiable et que tout le monde peut lire. C'est ce fichier PDF que vous rendrez public. Vous pouvez utiliser un logiciel de traitement de texte comme Microsoft Word ou LibreOffice. Ces logiciels vous permettent d'écrire et de mettre en forme votre texte, puis de l'exporter (de le transformer) en fichier PDF.

Je vous propose d'utiliser LibreOffice : c'est un logiciel libre (gratuit) et c'est celui que j'utilise pour créer mes articles. Vous pouvez le télécharger en cliquant ici.

Pour la création d'images, je vous conseille le logiciel libre Inkscape (pour le dessin vectoriel) et le logiciel libre Gimp (pour la retouche d'images).

Pour héberger votre fichier PDF, je vous propose Google Drive (nécessite un compte Google, gratuit).

Etape 7 : Faites des tests !

Si votre projet est un jeu, faites un maximum de parties-tests, avec des amis par exemple. Concevez un petit formulaire de retours et récoltez l'opinion de vos testeurs. Posez-leur des questions ciblées. Qu'ils critiquent le jeu, qu'ils vous le décortiquent, qu'ils ciblent les problèmes et qu'ils vous proposent des solutions.

Une fois la première batterie de tests réalisée, testez le jeu à nouveau avec des gens que vous ne connaissez pas, qui seront moins tendres, moins soucieux de vous vexer. Et enfin, en tout dernier, donnez le jeu à des connaissances, demandez-leur de tester le jeu en votre absence et de vous indiquer le retour des joueurs. Ainsi, vous saurez si le jeu est compréhensible et jouable en conditions réelles d'utilisation, sans l'intervention de son auteur (vous).

Un jeu peut être considéré comme fini à condition qu'il ait été testé et passé à la moulinette au moins 20 fois. C'est un minimum absolu pour avoir un contenu de bonne qualité.

Pour qu'un test soit utile et efficace, il vous faut l'opinion et les conseils des joueurs. Soyez à l'écoute et appliquez les conseils que je vous donne dans l'étape 9.

Note : Si votre projet est un dossier ou un livre, ces conseils restent valables. Remplacez les tests par plusieurs relectures attentives, faites par des personnes différentes.

Etape 8 : Décidez que c'est terminé !

Si vous êtes un peu perfectionniste, vous voudrez toujours améliorer, retester, revoir, prendre du recul, analyser, peaufiner, essayer une autre approche, lisser, relire... A partir d'un moment, le temps consacré à l'amélioration deviendra trop important par rapport au gain en qualité que cela représente. A partir d'un moment, vous commencez à tourner en rond. A vous perdre.

L'homme est imparfait par nature. Vous ne pouvez pas produire une oeuvre parfaite. Acceptez-le. Prenez du recul par rapport à votre oeuvre et décidez à quel moment vous la considérez comme terminée. Car aucune oeuvre n'est terminée par nature : Elle est terminée dès lors que vous prenez la décision.

N'oubliez pas : Fixez-vous des critères objectifs pour décider quand votre oeuvre est terminée, et prenez la décision que votre oeuvre est terminée.

Etape 9 : Protégez votre travail !

En France, la loi sur la propriété intellectuelle protège les créateurs, qu'ils soient illustrateurs, écrivains, graphistes ou inventeurs de jeux. L'auteur d'une oeuvre en est le propriétaire, ce qui lui donne des droits, les droits d'auteur. Certains de ces droits peuvent être vendus ou cédés, à condition de réaliser un contrat de cession des droits d'auteurs, qui doit être limité dans le temps et dans l'espace. Le droit moral, lui, est totalement inaliénable : on ne peut pas vous en priver et vous ne pouvez pas le céder.

Tous ces droits sont garantis par la loi, à condition de pouvoir prouver que vous êtes bien l'auteur de votre création. Pour cela, vous devez posséder une preuve d'antériorité, c'est-à-dire la preuve qu'à une certaine date, vous étiez en possession de l'oeuvre. Si vous êtes en litige avec quelqu'un d'autre sur la propriété de votre oeuvre, et que vous avez une preuve plus ancienne que celle de votre adversaire, cela prouve que vous êtes l'auteur de l'oeuvre. Si quelqu'un possède une preuve plus ancienne que la vôtre, par contre, c'est mal engagé pour vous. Il faut donc créer une preuve d'antériorité avant de montrer votre travail.

Il y a plusieurs moyens de créer une preuve d'antériorité :

  • L'enveloppe Soleau coûte 15 €, elle permet de protéger 7 feuilles A4 recto-verso. C'est un service proposé par l'état français. Elle peut être commandée sur le site de l'INPI (Institut National de la Propriété Industrielle). On peut faire autant d'enveloppes Soleau qu'on veut pour un même projet.
  • Le dépôt à la SGDL (Société des Gens De Lettres) coûte 45 €, il permet de protéger un manuscrit ou un mémoire quelle que soit sa taille.
  • Vous pouvez également envoyer à vous-même une lettre en recommandé et la conserver fermée ; c'est un commencement de preuve qui a moins de valeur que les deux autres solutions.

Quelques conseils supplémentaires en matière de propriété intellectuelle :

  • N'attendez pas que votre projet soit terminé pour obtenir une preuve d'antériorité. Dès que vous avez envie de partager votre projet, déposez une première enveloppe Soleau.
  • Envoyez vos documents au format PDF ; ils ne seront pas modifiables.
  • Indiquez le nom de l'auteur (vous) sur vos documents.
  • Ce n'est pas parce que quelqu'un vous donne quelques conseils qu'il est co-auteur. Si vous citez quelqu'un comme co-auteur, cela lui donne des droits et cela vous en fait perdre. Précisez bien de quelles parties il est l'auteur afin que cela ne remette pas en question vos droits sur le reste du document.
  • Si vous envoyez un document dont vous êtes l'auteur, faites-le depuis votre adresse email personnelle et conservez le mail envoyé ; c'est un commencement de preuve.
  • Une fois que vous avez une preuve d'antériorité, diffuser et publier votre travail le rend plus difficile à voler, car vous serez identifié en tant qu'auteur par de nombreux témoins.
  • N'hésitez pas à vous renseigner sur les licences libres Creative Commons. Soyez conscient qu'une licence libre n'est pas révocable. Elle vous protège, elle valorise votre travail, mais vous fait également perdre certains de vos droits en tant qu'auteur.

Ces conseils n'ont pas pour but de vous entraîner dans une méfiance excessive. Ils ont pour but de vous inciter à assurer vos arrières, juste au cas où. Les gens sans scrupules sont une infime minorité, mais ils existent. En France, il est facile de se protéger afin de ne jamais avoir affaire à eux (et croyez-moi, vous ne voulez pas avoir affaire à eux). Il vous suffit d'obtenir une ou deux preuves d'antériorité et d'être un peu vigilant.

Etape 10 : Partagez votre projet !

Votre projet se concrétise une fois qu'il est rendu public, qu'il est partagé et que des gens le lisent. La question est : A quel moment le rendre public ?

Un projet a 4 phases d'existence :

  • La phase d'ébauche. Vous êtes en train de construire, vous avez des bouts de trucs un peu partout et un plan mal fichu.
  • La phase alpha. Vous avez rédigé la version 1 de la plupart des parties, votre plan commence à ressembler à quelque chose. Vous avez effectué une première relecture (notamment pour l'orthographe). S'il s'agit d'un jeu, vous avez fait ou vous apprêtez à faire vos premiers tests.
  • La phase bêta. Vous avez fait vos premiers tests et vous avez corrigé votre projet en conséquence. Toutes les parties sont rédigées, votre plan est bien construit, vous êtes en train de relire l'intégralité de votre projet. Vous vous apprêtez à lancer une phase de tests à plus grande échelle, ou bien cette phase de tests est en cours.
  • La phase oméga. Votre projet est terminé, vous l'avez abondamment relu et fait relire, joué et fait jouer. Félicitations !

Vous pouvez commencer à partager votre projet à la fin de la phase alpha. Pas avant ! Le publier avant la phase oméga permet de l'améliorer grâce aux conseils que vous aurez récoltés. Si vous n'êtes pas en recherche de conseils, attendez plutôt qu'il soit terminé pour le publier dans sa version finale. Montrez-le à vos amis, publiez sur des forums de discussions spécialisés, partagez-le sur les réseaux sociaux, envoyez-le à vos amis, à un webzine, à un éditeur...

Soignez la forme de votre communication ! Dans votre mail, votre article de blog ou votre sujet de forum, présentez-vous, expliquez votre démarche et vos intentions avec ce jeu, fournissez un petit synopsis de quelques lignes, ainsi que le lien vers le fichier PDF de votre projet. Car je vous rappelle qu'une création se partage sous la forme d'un document clair et bien construit, pas en vrac dans un sujet de forum ou un article de blog !

Etape 11 : Gérez la critique !

Vous avez partagé votre projet. Vous en êtes fier, ou au contraire, vous dévalorisez votre travail. Dans tous les cas, vous avez créé quelque chose qui est important pour vous, et, plein d'espoir, vous attendez les retours de la communauté.

Internet est informel, impersonnel. La communication écrite est sujette à interprétation et à maladresses. Vous ne pouvez pas discuter en direct ou lire les expressions du visage afin de dissiper les malentendus. Les gens ne vous connaissent pas, ils sont fatigués après une journée de travail, ils ont besoin de se défouler. Ou, tout simplement, ils n'aiment pas votre création. Vous recevrez probablement une ou plusieurs critiques négatives, voire acerbes. Vous devez vous y préparer et respecter les 5 règles d'or :

  • Soyez serein. Ignorez les trolls. Ne vous vexez pas et ne surenchérissez pas.
  • Ne répondez pas à chaud. Laissez-vous le temps de la réflexion.
  • Concentrez-vous sur le fond, pas sur la forme. Si vous vous concentrez sur le "c'est de la merde", vous risquez de passer à côté des excellents conseils qui accompagnent ce point de vue irrespectueux et excessif.
  • Remettez-vous en question. C'est primordial, même si c'est difficile. Sans remise en question, pas d'amélioration, pas de progression. Acceptez la critique. Ne rejetez pas le point de vue de l'autre, même si vous n'êtes pas d'accord.
  • Votre oeuvre a de la valeur. Elle n'est peut-être pas finie, elle n'est peut-être pas aboutie, mais elle vaut quelque chose. La seule oeuvre qui ne vaut rien est la page blanche. Par ailleurs, vous n'êtes pas votre oeuvre. La critique de votre oeuvre ne doit pas vous toucher personnellement.

Une anecdote : Avant de publier Harry Potter, J.-K. Rowling a essuyé plus de 10 refus d'éditeurs qui ont refusé de publier son livre. Pas 1 refus, pas 3 refus, 10 refus. Pourtant, Harry Potter est le plus grand succès littéraire de tous les temps, puisqu'il s'est vendu à plus de 420 millions d'exemplaires. Ne vous découragez pas à la moindre critique. On ne peut jamais plaire à tout le monde. Persévérez, apprenez de vos erreurs, appliquez les conseils qu'on vous donne, et vous trouverez votre public. Si une personne prend du plaisir grâce à votre oeuvre, alors vous avez gagné votre pari. Si c'est deux personnes, c'est déjà génial.

Pour terminer, je vous conseille deux ressources intéressantes :

  • La méthode Flocon pour créer des romans, qui peut servir de source d'inspiration pour créer des jeux de rôle ou d'autres oeuvres de fiction.
  • Les articles sur la créativité du blog Outsider de Thomas Munier. Ils sont une très bonne source d'inspiration, de motivation et de réflexion pour entretenir votre envie de créer.

Annexe : Conseils de mise en forme (avec LibreOffice)

Je vous fournis ci-dessous une méthode pour construire vos textes sur LibreOffice. Vous trouverez de nombreux tutoriels sur Internet pour apprendre à utiliser le logiciel.

Le secret, c'est de bien organiser votre texte. Sur Libreoffice, un document est constitué d'une série de boîtes invisibles placées les unes en dessous des autres. Chaque boîte contient du texte. Chaque fois que vous sautez une ligne, vous créez une nouvelle boîte. Il est interdit de laisser une ligne vide pour séparer les paragraphes. Ce n'est pas la bonne méthode.


Légende : Boîte de titre avec le style "Titre 1" en rouge, boîtes de paragraphe avec le style "Corps de texte" en bleu. Aucune ligne vide !

Vous pouvez décorer chaque boîte à votre guise en modifiant de nombreux paramètres : la police d'écriture, la taille du texte, la couleur, les bordures, l'aspect des bordures, la taille des bordures, la couleur des bordures, décaler le texte vers la gauche ou vers la droite, augmenter les espacements avec la boîte du dessus, ou du dessous. Ce sont ces espacements qui séparent vos paragraphes et remplacent la méthode barbare de la ligne vide.

Pour décorer une boîte, vous lui donnez un Style : le style est l'ensemble des paramètres cités ci-dessus que vous avez définis d'une certaine façon. Vous pouvez modifier les styles pré-enregistrés dans Libreoffice ou créer vos propres styles. Il vous suffit de choisir le style de chaque boîte pour la redécorer complètement ! Quand vous modifiez un style, toutes les boîtes possédant ce style sont redécorées automatiquement. Pratique !

Il existe plusieurs types de boîtes différents. Les deux principaux sont les paragraphes et les titres :

  • Les paragraphes contiennent plusieurs phrases de texte qui parlent de la même chose. Séparer votre texte en paragraphes permet de le rendre plus agréable et plus facile à lire. Chaque paragraphe est séparé du suivant par un espacement qui remplace la ligne vide. Sur LibreOffice, vous pouvez utiliser le style "Corps de texte".
  • Les titres permettent de séparer les différentes parties de votre projet, ce sont ces titres qui créent votre plan. Il existe plusieurs niveaux de titres. Sur LibreOffice, vous pouvez utiliser les styles "Titre 1", "Titre 2" et "Titre 3".
Il existe des normes pour la mise en page des titres :
  • Les titres sont numérotés pour que le lecteur s'y retrouve plus facilement. LibreOffice permet de le faire automatiquement (Outils > Numérotation des chapitres).
  • Plus le titre est de niveau inférieur, plus il est décalé vers la droite
  • Les titres principaux sont plus visibles (plus grand, souligné, gras...) que les titres secondaires
Quelques autres conseils :
  • Apprenez à vous servir du logiciel ! Ce n'est pas du temps perdu.
  • Insérez un sommaire en première partie de votre projet pour que votre plan soit visible de vos lecteurs (Insertion > Table des matières et Index > table des matières, index ou bibliographie...). Ce sommaire est créé en fonction des "boîtes" de Titre (styles "Titre 1", "Titre 2" et "Titre 3") que vous avez mises dans votre texte.
  • Activez le pied de page (il se répète sur toutes les pages) et insérez à l'intérieur le numéro de page (Insertion > Champ > Numéro de page).
  • Pour créer le fichier PDF, allez dans Fichier > Exporter au format PDF. Dans l'onglet "Général", cochez l'option "Exporter les repères de textes". Dans l'onglet "Liens", cochez les 3 options. Ces options rendent votre sommaire interactif et les liens Internet cliquables.
  • Relisez-vous ! Interdiction de rendre public un projet plein de fôtes d'ortografe ! Namého !